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Post 2015, ou l’occasion d’une réforme

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Jean-François Lyotard, philosophe français disparu en 1998, a ouvert ses « Moralités post-modernes » par la formule suivante : « Qu’il nous arrive quelque chose… Nous n’attendons finalement que cela : qu’il nous arrive quelque chose ». Nous qui nous rendons cette semaine à Bonn pour la conférence mondiale des Organisations de la société civile (OSC) sur l’agenda Post 2015 («Faire Avancer l’Agenda Post-2015 de Développement Durable »), nous avons cela en tête : qu’arrive enfin ce moment de dialogue et de rencontre entre tous ceux qui, du point de vue de la société civile, travaillent sur la nouvelle génération des objectifs du millénaire pour le développement, après 2015. Nous nous disons également que ces objectifs pourraient être l’occasion qu’il « arrive » quelque chose au système des Nations Unies, et qu’il trouve dans ce processus la volonté et les moyens de réformer son fonctionnement et ses prises de décision. La définition de ces nouveaux objectifs de développement devrait en effet être l’occasion d’intégrer fermement les différents acteurs de développement, nommément les organisations de la société civile, le secteur privé, les autorités locales et autres acteurs non-étatiques.

Las… nous n’en sommes pas là, avons-nous constaté la semaine dernière à Sao Paulo, au Brésil lors du Forum 2013 du Forum pour une Gouvernance Mondiale Démocratique (FIM) , portant sur les relations entre l’ONU et la société civile. Depuis trente ans, la substance même de la politique s’est mondialisée : le commerce, les finances, le changement climatique, le VIH-SIDA, le terrorisme. Les acteurs de la société civile ont su construire des processus mondiaux pour attirer l’attention des Etats, notamment sur les questions d’environnement, du commerce des armes, des mines anti-personnel, de la corruption, etc. Cependant, les processus de la politique conventionnelle résistent à la mondialisation. Ses principales institutions – élections, partis politiques et parlements -, demeurent enracinées au niveau national et la gouvernance mondiale n’est donc autre que la rencontre des intérêts divergents voire conflictuels des Etats-Nations.Paradoxalement donc, ce serait bien le système même des Nations Unies et sa gouvernance qui résistent à leur mondialisation… Et les quelques institutions de l’ONU qui aujourd’hui contribuent à définir les contours d’une gouvernance mondiale, tels que le Conseil des Droits de l’Homme ou encore la Cour Pénale Internationale, n’offrent encore que des strapontins aux acteurs non-étatiques. Aussi, il existe bien un début de gouvernance mondiale, mais celle-ci n’est ni participative, ni démocratique…

John Clark, directeur de l’équipe du Panel Cardoso en 2003-2004, a fait le bilan, à Sao Paulo, de la mise en œuvre des principales recommandations de ce groupe d’experts chargé des relations entre l’ONU et les OSC (2) :

  • Etablir un bureau de Haut-Niveau responsable des partenariats et en particulier de la société civile, au sein du bureau du Secrétaire Général de l’ONU : non mis en œuvre
  • Ouvrir l’Assemblée Générale, ses Comités et ses Sessions Spéciales à la société civile et mener des forums avec l’ensemble des partis prenantes : l’Assemblée Générale a en effet tenu un certain nombre d’auditions auprès de la société civile, notamment en 2009 et 2010 et les documents de l’Assemblée sont plus facilement accessibles au public, tel que l’avait recommandé le Panel. Mais les forums avec l’ensemble des partis prenantes ont rarement lieu au sein de l’ONU, ils ont plutôt lieu au sein d’autre institutions mondiales, tel que l’OCDE et même le Forum Economique Mondial à Davos.
  • Réformer le processus d’accréditation des ONG : aucun progrès
  • Renforcer les liens du Conseil de Sécurité avec les OSC : jamais à New York mais il faut noter cependant que la plupart des missions de terrain du Conseil de Sécurité intègrent aujourd’hui des rencontres avec les représentants de la société civile.
  • Renforcer les liens avec les parlementaires, en établissant des « Comités mondiaux de politique publique » : peu de progrès
  • Soutenir un environnement juridique et politique propice pour les OSC, partout : l’ONU a en effet abordé la question par son Conseil des Droits de l’Homme en 2010, et a créé le poste de Rapporteur Spécial en 2011 chargé de protéger et de promouvoir les droits d’association et d’assemblée.
  • Se concentrer au niveau national : un certain nombre de cadres chargés des partenariats et de la société civile ont été nommés pour aider les bureaux et programmes de l’ONU à renforcer leur engagement avec les acteurs non-étatiques, au niveau national.
  • Etablir un fonds pour soutenir l’engagement des OSC du Sud avec les Nations Unies : un fonds fiduciaire ONU-OSC a en effet été établi et sa phase pilote a été évaluée en 2011. Depuis, plus de nouvelles, il semble donc que ce fonds n’est plus opérationnel.

Pour reprendre donc l’expression de Jean-François Lyotard, il était donc arrivé quelque chose en 2004, par ce rapport riche d’enseignements et de recommandations du Panel Cardoso. Une bonne nouvelle pour les acteurs de la société civile et pour nombre de staff de l’ONU, conscients de l’inadéquation du fonctionnement de la « machine » avec les réalités contemporaines. Las, mort et enterré le rapport Cardoso et nous savons qu’il nous faut nous, acteurs de la société civile, le ranimer et en souligner sa validité politique, aujourd’hui. Bien sûr, cette question de la relation entre les OSC et l’ONU sera présente dans tous les esprits cette semaine à Bonn, puis la semaine prochaine à Bali, lors de la quatrième réunion du Panel de Haut-Niveau sur l’agenda post 2015, avec les Organisations de la Société Civile.

CIVICUS est membre du Comité de Pilotage de la conférence « Faire avancer l’agenda post-2015 de développement durable » à Bonn du 20 au 22 mars, avec Social Watch, les campagnes GCAP et Beyond 2015 et quelques autres. La conférence qui verra une participation de 250 personnes, de la société civile mais aussi des gouvernements et du système des Nations Unies est rendue possible par le gouvernement allemand et organisée par le Berlin Civil Society Centre. Le titre l’indique : faisant fi de la schizophrénie dispendieuse de l’ONU – qui ose établir en son propre sein deux processus distincts, l’un portant sur le Post Objectifs du Millénaire pour le Développement (avec le Panel de Haut Niveau), l’autre sur les futurs Objectifs de Développement Durable (avec un groupe de travail international chargé de constituer le futur Forum Politique de Haut Niveau du Développement Durable), la conférence de Bonn marie les deux pistes de travail : la nouvelle génération d’objectifs de développement doit apprendre des processus de Rio et intégrer les trois aspects du développement durable, que sont l’économique, le social et l’environnemental. Les futurs objectifs de développement ne sauraient être autres que durables.

Nous interviendrons principalement au sein de trois sessions de la conférence :

  1. Consultations nationales et plaidoyer : la Fondation du Commonwealth (en partenariat avec CIVICUS), GCAP, Beyond 2015 et le PNUD/PVNU présenteront dans ce cadre le résultat des consultations nationales qui ont eu lieu dans plus de 70 pays entre octobre2012 et février 2013 ;
  2. Participation citoyenne et environnement propice (pour les OSC) : nous présenterons notre travail actuel sur l’environnement favorable pour les OSC, notamment la méthodologie des évaluations nationales dans trois pays pilotes (la Bolivie, le Cambodge et la Zambie) ; notre Indice Mondial de l’environnement favorable, puis enfin notre prochain « Rapport sur l’état de la société civile 2012 », dont le thème cette année est également l’environnement propice aux OSC.
  3. Nouveau partenariat mondial pour le développement durable : nous mènerons, en collaboration avec le Stakeholder Forum, cette discussion avec les représentants du DAES, et nos collègues de la coalition sur l’efficacité du développement. La question bien sûr est celle de la gouvernance et de l’architecture politique des prochains objectifs de développement. Le processus Rio+20 a créé un Forum Politique de Haut Niveau, pour remplacer la Commission pour le Développement Durable. Ce Forum Politique sera censé s’occuper de développement durable : aura-t-il donc un rôle dans la mise en œuvre et l’évaluation des futurs objectifs de développement, post 2015 ?

Une de questions qui a souvent occupé le Comité de Pilotage de la conférence de Bonn est l’opportunité et la possibilité d’une déclaration commune. Comme pour Rio+20, les OSC depuis quelques mois ont publié des centaines de documents sur les différents aspects des futurs objectifs de développement. Deux sites sont dédiés à leur recensement : ceux de l’Overseas Development Institute (ODI) et du North South Institute (NSI). Quelqu’un oserait-il s’atteler à une synthèse de toutes ces contributions ?

En effet, les perspectives sur les ODM et les ODD sont très différentes dans le monde : la situation est particulière pour le continent africain, qui peine à réaliser les objectifs établis en 2000 ; pour le continent latino-américain, aux Etats puissants, à ses gouvernements progressistes et à ses inégalités criantes ; et pour le continent asiatique dont les performances de ses dragons et empires ne saurait cacher que 50% des plus pauvres de la planète y vivent. Les OSC témoignent et expriment donc ces différences. Aussi, nous n’aurons pas de déclaration finale unique mais avons invité notre ami Roberto Bissio à présenter le 22 mars, dernier jour de l’événement, un « sommaire des résultats de la conférence ». Nous vous présenterons ici même la semaine prochaine l’essentiel de ces résultats.

Malgré l’appui substantiel du gouvernement allemand, un certain nombre de représentants des OSC n’auront pas la possibilité de participer à la conférence. Aussi, les sessions plénières seront retransmises en direct sur le site worldwewant2015.org/Bonn2015. Vous pouvez également suivre le compte Twitter @Post2015Bonn.

Terme d’une première série de dialogues nationaux et thématiques sur les objectifs de développement, la conférence de Bonn sera le point de départ d’un plaidoyer multiforme, national, régional et mondial, de la Société Civile pour l’élaboration d’un agenda ambitieux en matière de développement durable. L’alliance de CIVICUS défend la participation substantielle des organisations de la société civile, acteurs de développement de plein droit, à ce débat international sur le développement. CIVICUS croit enfin que ce processus international est l’occasion qu’il « arrive quelque chose » et qu’un dialogue constructif et respectueux puisse s’installer au niveau multilatéral entre les acteurs du développement.


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